Le plaidoyer d'Unis-Cité

La fondatrice d’Unis-Cité suggère de revoir le projet actuel de Service National Universel (SNU) au profit d’un autre service national construit sur le Service Civique amélioré et généralisé.

Marie Trellu-Kane échange sur son livre et sur la proposition d’un nouveau Service National
accompagnée de Juliette Rossi, une ancienne volontaire au Service Civique, aujourd’hui
ambassadrice Unis-Cité, face à Laurent Bigorgne, le directeur général de l’Institut Montaigne.

Il ne s’agit pas de réinstaurer le service militaire : nous avons désormais une armée professionnelle qui n’a pas besoin d’appelés en masse. Le nouveau service national proposé remettra la fraternité au coeur de notre projet de société par l’instauration d’une année de césure citoyenne au service de l’intérêt général pour toutes et tous : les jeunes sont invités à devenir des citoyens actifs et à consacrer une année de leur vie à la solidarité. En équipes, dans la mixité, accompagnés, formés et indemnisés.

La question essentielle de la durée. L’expérience montre qu’il faut au moins 8 mois pour que le Service Civique soit une expérience réussie pour les jeunes et utile pour les structures qui les accueillent. C’est le temps nécessaire pour que les associations et services publics accueillent, intègrent, forment et perçoivent l’utilité de la présence des jeunes. C’est le temps nécessaire pour que les missions confiées soient intéressantes et qu’elles produisent un impact réel. 8 mois, c’est aussi le temps nécessaire pour que le Service Civique soit une expérience transformatrice pour les jeunes, dans laquelle ils puissent apprendre, développer des compétences, se sentir utiles et mûrir, être valorisable pour la suite de leur parcours. Enfin, c’est le temps nécessaire pour vivre, comprendre et apprécier la rencontre avec des jeunes de tous milieux et lever des préjugés.

Sensibilisation aux enjeux du changement climatique, à la préservation de la biodiversité ou aux circuits courts, lutte contre l’isolement des seniors, contre l’échec scolaire ou la fracture numérique, accueil des réfugiés, soutien aux sans-abris, inclusion des personnes en situation de handicap, soutien à nos EHPAD, nos hôpitaux, nos écoles, soutien aux corps en uniforme… Les enjeux ne manquent pas sur lesquels mobiliser ces jeunes ; ils sont tous essentiels pour l’avenir de notre pays et de notre planète.

Il faut savoir s’appuyer sur ce qui fonctionne et a fait ses preuves : ce nouveau service national reprendra l’essentiel du cadre de l’actuel Service Civique, qui touche déjà près de 150 000 jeunes par an. Avec trois grandes améliorations : 1) généraliser les missions collectives, avec système éventuel d’affectation aléatoire – pour faire du service national une étape de mixité sociale pour tous ; 2) renforcer les journées de formations civiques prises en charge par l’Etat (huit jours au lieu de deux), 3) prévoir une prise en charge plus importante par l’Etat du tutorat des jeunes les plus en difficulté.

Et un travail progressif de généralisation, grâce à un système très fortement incitatif : intégration obligatoire dans le parcours des grandes écoles et masters ; incitation forte pour les jeunes sans activité ; systématisation de l’année de césure / service civique après le bac pour permettre la maturation des projets personnels et éviter les erreurs d’orientation.

Le premier bénéfice attendu de ce nouveau service national / service civique universel est une cohésion nationale revivifiée : l’on réunit en effet sur des causes communes des jeunes des banlieues, des centres villes, du rural, des jeunes diplômés ou sans diplôme, avec ou sans conviction religieuse, des CSP+ et des milieux modestes, des jeunes valides, d’autres en situation de handicap… Tous apprennent à vivre et agir ensemble, dans la fraternité et la laïcité. Ils expérimentent l’entraide, la solidarité, l’altruisme, le service aux autres et à la Nation. Ils revisitent leur sentiment d’appartenance au collectif et à la France.

En leur apportant huit mois d’expérience concrète et de nouvelles compétences en animation, gestion de projet, travail d’équipe… ce service national constitue par ailleurs pour les jeunes un vrai tremplin professionnel. Certains y définissent leur projet d’orientation, d’autres en profitent pour passer leur permis ou des certificats utiles (ex. PIX). Tous gagnent en maturité, en confiance en eux et en l’avenir.

Enfin, ces jeunes apportent chaque année, en vitesse de croisière, 500 millions d’heures de soutien concret et humain aux associations, services publics.

Ce projet de nouveau Service Civique universel représentera un investissement pour l’Etat français de 7400 € par jeune (légèrement plus que le service civique actuel) – à peine 1 600€ par jeune hors indemnités mensuelles et couverture sociale. Il s’agit bel et bien d’un investissement d’avenir pour la jeunesse et la cohésion du pays. A mettre au regard des 12 750€1 que coûte chaque année à la société un jeune au chômage, et des 13000 € que coûte à l’université un jeune qui abandonne en cours d’année. Pour 600 000 jeunes en régime de croisière, le besoin de financement annuel est de 4,4 milliards € – moins d’1 million d’euros déduction faite des indemnités versées aux jeunes.

Une étude publiée par le cabinet Goodwill Management en 2019 conclut que chaque euro investi dans le service civique rapporte 1,92 € à la collectivité nationale. Le bénéfice pour le pays de ce nouveau service national serait donc de 8,5 milliards d’euros par an.

Cet « autre service national », replaçant le devoir de solidarité et de fraternité au cœur de notre éducation et de notre projet de société, sera complémentaire de l’Education Morale et Civique et de l’éducation à la défense dispensés à l’Ecole, mais à renforcer dès l’école maternelle et notamment au collège. En faisant appel à un partenariat innovant entre corps en uniformes, associations d’éducation populaire et institution scolaire.

Un projet en cohérence totale avec l’ambition d’instaurer un Service Civique Européen (SCE) pour toutes et tous annoncé comme l’un des axes forts de la présidence française de l’Union européenne2.

L’année de césure post-bac est monnaie courante dans de nombreux pays. Avec le SCE, l’Europe investira dans l’année de césure citoyenne pour tous ses jeunes dans leurs diversités.

Biographie de Marie Trellu-Kane

Diplômée de l’ESSEC et de la Harvard Kennedy School, Marie Trellu-Kane est la fondatrice et Présidente exécutive d’Unis-Cité, l’association pionnière et experte du Service Civique en France qui a inspiré la loi sur le Service Civique et accompagné à ce jour plus de 35 000 jeunes volontaires représentatifs de la diversité des jeunesses de France. Marie Trellu-Kane a été coordinatrice de la chaire entrepreneuriat social de l’ESSEC à ses débuts et a co-fondé l’incubateur social et fonds d’amorçage philanthropique Antropia. Longtemps consultante internationale auprès des Nations Unies, elle a aidé de nombreux pays d’Afrique francophone dans l’élaboration de leurs politiques jeunesse et de promotion du volontariat. En tant que membre du Conseil Economique, Social et Environnemental, Marie Trellu-Kane a été co-rapporteur des deux avis du CESE sur le Projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, adoptés en février et septembre 2020.

Elle a été administratrice de l’Agence pour la Cohésion Sociale et l’Égalité des Chances et de l’Agence du Service Civique.  Marie Trellu-Kane est par ailleurs consultante en stratégie RSE et mécénat social auprès de grandes entreprises et administratrices de plusieurs fondations. Chevalière dans l’Ordre National du Mérite, elle a été élue « femme en or » dans la catégorie « femmes de cœur » en 2012 et est Senior-Ashoka fellow. Elle est également co-auteure de « Demain, le service civil », Editions Pierson Education, 2006 et de « l’entreprise sociale (aussi) a besoin d’un business plan », Editions Rue de l’Echiquier, 2011, et auteure de « Changer le monde à 20 ans », Editions du Cherche Midi, 2015.

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